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L'abattis-brûlis au Nord du Laos

Dernière mise à jour : 24 avr. 2020


En ce début du mois d'avril, dans certaines parcelles à flanc de montagne, il est possible de se promener sur des espaces aux aspects lunaires. En effet, des parcelles sont en ce moment brûlées par certains villageois à des fins agricoles.



L'abattis-brûlis est une technique agricole millénaire, pratiquée dans la région montagneuse d'Oudomxay. En fin de saison sèche (entre mars et avril), certaines friches forestières, choisies au préalable par les villageois, sont brûlées pour transférer la matière organiques aérienne dans les sols . Les paysans y sèmeront par la suite du riz, des cultures potagères, de la canne à sucre ou encore du maïs.

Ces terres seront cultivées sur une durée allant d'un à trois ans, avant d'être laissées en friches pour plusieurs années. La forêt reprendra peu à peu ses droits, et les sols seront régénérés naturellement, les adventices seront détruites par l'écosystème forestier naissant.


Aujourd'hui cette technique est critiquée pour différentes raisons. On reproche tout d'abord, à cette pratique de demander de très grands espaces en raison du temps de retour sur une parcelle très élevé (idéalement, le temps de retour sur une parcelle doit être entre 6 et 15 ans). Lorsque la densité de population augmente, il faut trouver un moyen d'agrandir les zones de culture. Pour cela deux solutions peuvent être envisagées:

  • diminuer les temps de rotation, ce qui a terme réduit la fertilité des sols et donc les rendements;

  • empiéter sur de nouveaux espaces forestiers, ceci serait alors cause de déforestation.

De plus, on reproche à cette technique de mettre les sols à nu. En effet, les sols laissés à nu risquent de perdre leur fertilités (via le ruissellement le sol s'appauvri en élément nutritifs comme l'azote ou le phosphore). Ceci pose aussi le problème de l'érosion.


Enfin, les réfractaires reprochent à cette pratique de polluer l'air en cette période de fin de saison sèche. C'est particulièrement le cas dans la ville de Muang Xay (préfecture de la province d'Oudomxay) qui se retrouve alors enveloppée d'un nuage de pollution. L'air y devient alors irrespirable.



Ces critiques doivent cependant être nuancées. En effet, au nord du Laos, la disparition de la forêt tropicale est avant tout due aux grands projets d'aménagements ou aux plantations d'hévéas ou de tecks (ci-dessous), qui forment des forêts monospécifiques peu résilientes. Par exemple, les tecks, perdent leurs feuilles en fin de saison sèche, et laissent alors un sol à nu, ce qui pose actuellement de sérieux problèmes d'érosion.



D'autre part, il serait aussi assez réducteurs de dire que la pollution de l'air est entièrement due à cette pratique. De nombreuses autres activités (transport, industrie, combustion des déchets ménagers...) ainsi que le climat (manque de pluie et de vent) impactent aussi fortement la qualité de l'air en cette période.


Cette pratique, présente aussi de nombreux avantages. Conduite idéalement l'abattis-brûlis, associée à la cueillette contrôlée de produits forestiers permet d'assurer la subsidences des villages en évitant d'utiliser des produits phytosanitaires. Aujourd'hui certains agronomes pensent d'ailleurs que cette pratique pourrait s'avérer pertinente dans les systèmes agricoles montagneux du Nord du Laos (au regard de la faible densité de population).


De plus l'abattis-brûlis est considérée par certains auteurs comme une forme d'agroforesterie. La friche prenant place après la culture donnera bien vite une nouvelle forêt. Cette friche sera dans un premier temps utilisée pour l'alimentation des buffles ou des bovins (via la pousse de strates herbacées dans les premières années). Ensuite, les paysans pourront cueillir dans la forêt naissante toute sorte de produits qui leur permettront de dégager une nouvelle source de revenus (cardamome à usage médicinal, benjoin issu du styrax tonkinensis pour la parfumerie ou encore le thé des forêts à usage alimentaire). Ceci montre bien que l'effet de l'abattis-brûlis sur la forêt est assez limité.



Cependant, le système actuel d'allocation des terres limite l'efficacité de cette pratique agricole dans la région. En effet, en interdisant certains espaces forestiers aux agricultures, les temps de rotation sont écourtés (dans un village, nous avons pu voir que les parcelles étaient mises en jachère durant 3 ans, quand un minimum de 6 ans est préconisé par les agronomes).


Enfin, l'ouverture commerciale de la province d'Oudomxay - via notamment la mise en place de la ligne de chemin de fer, qui liera à terme Kunming à Singapour -, pourrait aussi favoriser la surexploitation des ressources forestières. Encore une nouvelle contrainte qui portera atteinte à la pérennité de ce système de culture.



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